Nos racines s'étendent de plus en plus dans cette terre d'accueil du Nord, sous cette neige qui recouvre depuis plus d'un mois toute végétation. Le vert a disparu du décor et ne réapparaîtra que dans bien longtemps... Autre porté disparu, le soleil. Seules quelques lumières timides émergent encore de la forêt les beaux jours et nous font garder espoir que l'astre se trouve toujours là , quelque part. Lorsque l'application météorologique a présenté pour la première fois le symbole de la lune à 13h00, j'ai songé à un phénomène céleste particulier. J'ai tôt fait de réaliser qu'il s'agissait simplement de notre nouvelle réalité. A l'instar de l'intérêt que nous portons à la femelle élan et ses deux petits installés non loin de chez nous, alors que les locaux s'y baladent en y prêtant autant garde que nous le ferions pour des vaches, je réalise que si nous nous sentons ici chez nous, nous ne sommes pas d'ici. Plutôt que ségrégatives, ces différences nous ouvrent des portes, tout comme la singularité de ce que nous entreprenons. Notre attitude interpelle, que nous parlions anglais attise la curiosité ; le premier maillon d'une relation est tissé. Corosh, que nous croisons lors de notre entraînement matinal près du territoire de l'élan, décide de tisser quelques mailles supplémentaires et nous invite chez lui. Une soirée internationale qui nous emmène sur les sentiers du monde grâce à ses talents culinaires et aux expériences de chaque invité. Corosh a quitté son pays d'origine, l'Iran, à l'âge de 16 ans, illégalement. Aujourd'hui, il est aux commandes d'une entreprise d'envergure dans le domaine de la plongée, qu'il a créée de ses propres mains.
Et puis, parce que six jours sur sept nous foulons les mêmes sentiers de la station de sport de plein air d'Ormberget, certains visages nous deviennent familiers. Le simple hochement de tête impersonnel devient sourire complice. Un jour, la conversation est entamée. Ainsi faisons-nous la connaissance de Lennart, retraité de 76 ans, qui démontre et proclame que « le sport est le meilleur des médicaments ». Lennart ne parlant pas anglais, c'est l'occasion pour moi de mettre en pratique mes connaissances de suédois. Lui et son épouse Arja-Riitta nous invitent pour un café, qui se révèlera être un véritable souper aux inspirations suédo-finlandaises.
Début novembre nous déménageons à 2 kilomètres de chez Ragnhild et Lasse, à Sinksundet. Nous posons nos valises dans une charmante petite stuga au bord de l'eau, à Luleå Beach Cabin. Une petite maison aux couleurs locales avec cuisine, salle de bain, sauna; de l'eau chaude, de l'électricité et une connexion à disposition. Un standard pour certains que la vie sur la route promeut pour nous au rang de luxe. Nous avons un arrangement avec le propriétaire des lieux, Carl-Magnus, qui loue cinq autres stugas via Airbnb. Notre travail : assurer le ménage des maisons entre le départ et l'arrivée des clients. Nous faisons rapidement de cette nouvelle situation une routine dans laquelle la répartition des rôles se dessine naturellement. Olivier s'occupe du nettoyage des surfaces, du réapprovisionnement, du déneigement et de la gestion des déchets, je m'occupe de la literie, des textiles et de la lessive. Sous la casquette originelle de « patron », nous découvrons en Carl une personne riche, au parcours atypique, qui a su créer sa propre trace en dehors des sentiers battus et qui regarde un horizon qui ressemble en bien des points au nôtre...
Grâce à l'arrivée précoce du froid et de la neige, tout comme à l'anticipation d'Olivier pour la construction des traîneaux, nous avons pu éprouver fin novembre notre plan pour la traversée de la Laponie. Si les premiers essais de traction des traîneaux sur de la neige tassée nous ont laissé croire en tous les possibles, les nouvelles précipitations de début décembre ont tout ébranlé, jusqu'au fondement même de notre philosophie de voyage. Serons-nous en mesure de transporter tout notre matériel ? / AG
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