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Des coulisses du Cap Nord à Skarsvåg - Le passage d'un Cap, épilogue de Cap Kayak - 16.06.24

30-06-2024 14:46

Aline Guignard

Cap Kayak,

Des coulisses du Cap Nord à Skarsvåg - Le passage d'un Cap, épilogue de Cap Kayak - 16.06.24

A 7h00 le jeudi 13, la fenêtre se confirme, alors nous levons l'ancre. Non sans une certaine excitation. Le vent certes n'est pas au calme, et il nous vient ...

Le 5 juin, nous établissons nos quartiers dans le petit village de Gjesvær. Tout d'abord dans ses abords, là où seuls les eiders, les mouettes et les aigles logent et où nous montons notre tente. Puis, aux aurores d'un jour brumeux, nous déménageons en son coeur, où nous intégrons le logement réservé par l'équipe de la télévision suisse.

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Alors en train d'installer notre campement à l'écart du village, nous faisons la connaissance de Steinar, un natif de plus de 80 ans, qui marche cahin-caha sur ce terrain on ne peut plus accidenté, deux bâtons de marche assurant un équilibre bien précaire. Une fois n'est pas coutume, le suédois sera le point de rencontre de nos deux langues distinctes. Il nous explique qu'il vient de sortir d'une opération importante, qu'il s'entraîne pour améliorer sa mobilité, et c'est avec un grand respect que nous le regardons s'éloigner. C'est suite au récit de cette rencontre par Steinar auprès de Natalia, la tenancière de l'unique magasin du village, que nous entamerons la conversation avec cette Russe installée ici depuis plus de 23 ans. S'étant attelée avec assiduité depuis quelques années à l'étude de l'Historique de la région, elle nous partage ses connaissances, et avec elle plongeons dans une réalité où le village n'était accessible que par la mer, où le commerce russo-norvégien fleurissait, où les infrastructures se déplaçaient pour permettre aux navires de plus en plus grands d'accoster... Natalia nous transmet d'ailleurs un extrait du récit de l'expédition de La Recherche, une exploration des pays scandinaves entre 1838 et 1840, ordonnée par l'Amirauté française. Un extrait dans lequel la découverte de la région de Gjesvær et du Cap Nord y est contée. Le récit date d'il y a presque 200 ans, pourtant la réalité décrite raisonne en moi...

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Pour ainsi dire chaque jour nous allons à la supérette pour prospecter l'étalage des produits en promotion car passés de date ; prétexte à l'échange plus que nécessité. Dans un second temps nous faisons la connaissance d'Erling, le mari de Natalia, qui possède, entre autres, l'église du village. Il s'agit peut-être là de l'unique établissement religieux norvégien, en fonction et détenu par un privé. En passionné d'Histoire, de littérature, d'art et surtout de cartographie ancienne, il nous fait découvrir ses trésors tout en narrant les innombrables défis et aventures enveloppant ses objets de collection.

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Il ne se passe pas un seul jour à Gjesvær où je ne me laisse captiver par la forme atypique de l'archipel de Gjesværstappan, où niche entre autres, la deuxième plus grande colonie de macareux de Norvège. Le soleil s'y cache à minuit, avant d'entamer une nouvelle ronde au-dessus de nous. Ces îles m'attirent, le kayak nous en offre l'accès, mais les vents en décident autrement. Car dès notre arrivée au village, ils ne cessent de balayer les plans d'eau exposés, insufflant le doute sur la possibilité d'atteindre le Cap Nord par la voie maritime. Les prévisions ne cessent de se modifier ; force est de constater qu'il est impossible de prédire la météo 24 heures à l'avance. Je ne saurais comptabiliser le nombre de consultations quotidiennes de nos sites météorologiques de références, Windy et Yr.no.
 

« Le bateau était amarré dans le port, les matelots avaient déjà revêtu leurs tuniques de cuir et leurs longues bottes; mais le vent du nord soufflait avec violence : il était impossible de mettre à la voile ou de ramer. Nous restâmes ainsi toute une semaine, regardant à l'horizon et consultant les nuages. Enfin, il s'éleva une légère brise d'ouest, et nous nous embarquâmes. »*

* Extraits issus du livre « Voyages de la Commission scientifique du Nord en Scandinavie, en Laponie, au Spitzberg et aux Feröe, pendant les années 1838, 1839, 1840, sur la corvette La Recherche »

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L'équipe de Passe-moi les Jumelles, Matthieu et Tim, arrivent le 10 juin. Cinq jours, c'est le temps imparti pour atteindre le Cap Nord en leur compagnie. Etablir un programme avec un paramètre aussi instable que la force du vent tient du véritable casse-tête chinois. A leur arrivée, une fenêtre météo s'ouvre pour le jeudi 13, laquelle se maintient sur deux jours, avant de se refermer, repoussant un potentiel départ à vendredi. Mais mercredi soir, juste avant d'aller nous coucher, nous constatons que les prévisions sont encore bouleversées et il va peut-être nous falloir lever le camp le lendemain, au risque de ne pas partir du tout ! Les réveils sont enclenchés, les affaires empaquetées et le programme initial du lendemain mis en suspens jusqu'à la prochaine consultation météo.

 

A 7h00 le jeudi 13, la fenêtre se confirme, alors nous levons l'ancre. Non sans une certaine excitation. Le vent certes n'est pas au calme, et il nous vient de face, mais nous ne pouvons que relativiser compte tenu de la réalité de cette portion du monde où les exigences se doivent d'être revisitées.

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Finalement, nous voilà à ce point qui fut notre Cap durant plus de deux ans. Depuis notre départ, nous avons appris son réel nom : Knivskjellodden. Le point le plus au nord de l'Europe, dont la magnificence règne dans ce qu'il représente plutôt que dans ce qu'il évoque à l'oeil du visiteur. Comme pour nous y accueillir, des phoques nous attendent à cet endroit précis, nous scrutant de leurs yeux fabuleux. Nous y attend également Matthieu, qui nous salue depuis ce qui semble bien être le rocher accessible le plus septentrional d'Europe ! Pourtant nous ne pouvons nous y attarder, car le plan d'eau est à cet endroit malmené, les vagues venant se fracasser à ses pieds. Nous savons en outre que le vent forcit à mesure que le jour avance. Nous nous permettons tout de même l'originalité de revenir en arrière et de passer une seconde fois le Cap, pour les besoins filmiques.
 

« Mais il est vrai de dire qu'autour de ces rochers qui forment la pointe du cap, la mer est rarement calme : même quand le vent se tait, les longues vagues de l'océan Glacial roulent avec fracas, comme si elles étaient encore soulevées par l'orage de la veille, et la côte est hérissée de brisants, où les flots impétueux se précipitent avec un rugissement pareil au bruit du tonnerre. Là , si l'on est surpris par l'ouragan, nul asile ne s'offre à la barque fragile, nulle terre ne la protège; et, si le vent contraire persiste, l'excursion de trente lieues peut durer trente jours. »* 

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Puis nous abordons les célèbres falaises dont la verticalité vertigineuse est, je dois le reconnaître, absolument saisissante. Ici aussi le plan d'eau ne nous laisse que peu de répit pour apprécier la vue. C'est ici que se rencontrent la mer de Norvège et la mer de Barents, entraînant des conflits belliqueux de courants. Quelques coups d'oeil volés à ma concentration m'étourdissent face à cette perturbation des repères dimensionnels. Peu après, nous atteignons l'objectif final de cette journée, la baie historique de Hornvika. Nichée au pied de ce mur de 300 mètres de haut, elle est le lieu où les premiers explorateurs du Cap débarquaient. Fascinée, je regarde ce tableau se transformer en noir et blanc, à l'image des premières représentations de ce lieu autrefois mystérieux. De cette bichromie s'illuminent les boutons d'or, les mêmes narrés par M. Xavier Marmier dans son récit.
 

« Notre guide nous fit doubler sa pointe, et nous entrâmes dans une petite baie creusée au milieu de la montagne. Là, nous fûmes surpris par un singulier point de vue. Devant nous était une enceinte de rocs partagés par larges bandes comme l'ardoise, ou broyés comme la lave; au milieu l'eau de la baie verte et limpide, abritée contre les vents, unie comme une glace ; et sur la rive de ce port paisible, au pied des cimes nues et escarpées, un lit de fleurs et de gazon, et un ruisseau d'argent fuyant entre les blocs de pierre. Sur ses bords fleurissaient le vergissmeinnicht aux yeux bleus, la renoncule à la tête d'or, le géranium sauvage avec sa robe violette et ses feuilles veloutées, le petit œillet des bois; et, un peu plus loin, de hautes tiges d'angélique cachaient, sous leurs larges rameaux, des touffes d'herbe. Je ne saurais dire l'effet que produisit sur moi cette végétation inattendue : c'était comme un dernier rayon de vie sur cette terre inanimée, comme un dernier sourire de la nature dans l'aridité du désert. »* 

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Le lendemain, nous embarquons dans nos kayaks en sachant que nous abordons là notre dernière navigation.L'objectif : atteindre un lieu accessible par voie terrestre, ouverture sur un changement de paradigme. Skarsvåg nous offre cette possibilité, ainsi qu'une baie un peu à l'écart du village pour pouvoir passer les quelques jours de transition avant notre retour. Dernier cadeau de la Nature, un Nise (marsouin commun) bondit hors de l'eau et tout près de nous, alors que nous nous apprêtons à accoster. Matthieu et Tim nous attendent sur la plage et avec eux nous réalisons les derniers tournages pour l'émission de Passe-moi les Jumelles.

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Puis nous passons les derniers jours de ce voyage à huit clos, tous les deux, et en compagnie de dizaines de rennes qui font désormais partie de notre vie quotidienne. En ce 16 juin, alors que nous nous apprêtons à quitter ces lieux et rendre les clés de Cap Kayak, la tristesse pointe le bout de son nez. Ou serait-ce déjà de la nostalgie ? Ce n'est pas tant l'envie de tirer en longueur, la formulation le traduit d'ailleurs, qui me place dans cette émotion diffuse. Mais plutôt le fait de quitter cette bulle dans laquelle nous évoluons depuis plus de deux ans, dont les contours se nomment Cap Kayak. Un quotidien fait de simplicité, du bonheur de composer avec ce qui nous entoure et se présente à nous, de l'émerveillement de petits riens, de la puissance de l'Amitié, de l'inconnu accueilli en confiance... Alors avec philosophie me dis-je qu'il s'agit peut-être simplement de prendre un peu de recul, de s'apercevoir que cette bulle s'inscrit dans une plus large, qui s'appelle la Vie. Que terminer ce projet ne signifie pas en quitter ses composantes. Cap Kayak se termine. Mais tout demeure. Seuls nos choix dessineront la suite. Les falaises ne bougeront pas. Les amitiés nouvelles ont été tissées au-delà d'un point géographique. Les eiders continueront de roucouler et les baleines de surgir des profondeurs. Zoé4life poursuit d'arrachepied ses actions, la cause du cancer pédiatrique nécessite toujours que l'on se batte pour elle. 
 

Tout demeure, tout est là et rien n'est perdu. Ne tient qu'à moi de leur donner un sens en harmonie avec des besoins en constante évolution. Je suis moi ici. Je serai moi ailleurs. 
 

En soi, passer le Cap n'est pas si important, mais ce lieu géographique a été notre repère, la référence de notre boussole, durant plus de deux ans. Alors atteint ce point le plus au Nord du continent, où nous orienter ? Plus qu'une perte de repères, ce passage est une porte ouverte sur un arbre des possibles qui jamais n'a été aussi luxuriant. Tout s'ouvre à nous.
 

Demain, Carl-Magnus vient nous chercher. Avec lui, nous rentrerons à Luleå. 

 

La Vie continue, et c'est avec enthousiasme que nous nous élançons vers l'Horizon. / AG 

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