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Extrait du carnet de voyage - 22 avril 2018

22-04-2018 20:07

Aline Guignard

Terres sauvages,

Extrait du carnet de voyage - 22 avril 2018

En quittant la ville nous croisons les doigts pour trouver la bifurcation que nous espérons prendre. Sur notre carte papier sont tracées une...

Nous gravissons les derniers kilomètres qui nous mènent à ce énième col. 4542 mètres. Alors que nous y sommes, un minibus-taxi s'arrête. Le chauffeur sort et fait une série de photos et vidéos avec nous, pendant que ses clients patientent sagement dans la chaleur du véhicule. Une vingtaine de kilomètres de descente nous mènent à Huashixia, où nous faisons le plein en nourriture et en eau. Je déniche ce qui ressemble à une petite boulangerie. J'essaie d'ouvrir la porte et, déçue, je constate qu'elle est fermée. Une femme, ameutée par le bruit, arrive de l'intérieur... et pousse l'autre battant. Je découvre avec ravissement un choix diversifié de pains. J'en achète pour trois repas. Puis la boulangère, une belle femme voilée, remplit en sus un grand cornet de torsades frites. D'abord dans le doute de nous être mal comprises, je réalise qu'elle me les offre. Tout sourire, elle me demande encore si nous avons besoin d'eau chaude, puis immortalise de son smartphone nos deux visages rayonnants. À nos sourires réciproques, il n'y a aucun doute que le plaisir de la rencontre ait été partagé. 

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En quittant la ville nous croisons les doigts pour trouver la bifurcation que nous espérons prendre. Sur notre carte papier sont tracées une petite route secondaire ainsi qu'une autoroute en construction. Sur Maps me, il n'y a rien du tout. En réalité, nous trouvons bel et bien une autoroute fonctionnelle; mais plus aucune trace de route secondaire. Olivier gravit une colline pour avoir une vue d'ensemble et étudier s'il y a une piste qui longe l'autoroute. Résultat : notre seule option, si nous ne voulons pas faire un détour de plusieurs centaines de kilomètres, est d'emprunter l'autoroute. Mais pour ce faire, il nous faut décharger nos vélos, passer des fils barbelés et grimper l'aqueduc sur lequel se trouve la route. Ceci étant fait, nous avançons à vive allure sur cette belle route lisse. Heureusement, le trafic est restreint et notre présence ne semble déranger personne. Hormis peut-être les troupeaux de gazelles paissant dans les vastes plaines que nous traversons. Ou encore les grands lièvres tapis au bord de la route. Ou encore cet aigle majestueux qui décolle à nos côtés.  

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Alors que nous quittons les rives d'un grand lac et commençons à monter, le ciel gronde et s'assombrit. Nous nous réfugions sous un pont pour essuyer une première averse de grêle. Puis nous entrons dans un épais brouillard accompagné d'un vent de face tempétueux. Un panneau indique encore huit kilomètres de montée. La grêle s'en mêle à nouveau. C'est rude. Le vent est glacial mais nous sommes peu habillés en raison de l'effort. Difficile de trouver le bon équilibre. Vers 15h30 nous tentons de trouver un lieu de campement à l'abri du vent. Vu la topographie de la région, les dessous des ponts de l'autoroute sont les seuls lieux pouvant répondre à cette exigence. Mais ils sont soit boueux soit recouverts d'une couche de glace. Donc nous continuons. Arrivés au col, finalement presque à la même altitude que celui de ce matin, je suis gelée. Je n'arrive presque plus à bouger mes mains. J'arrive tout juste à remettre des couches mais dois demander l'aide d'Olivier pour les fermetures éclairs; plus de force dans les pinces. 

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Quinze kilomètres de descente sont annoncés. Si l'effort est moindre qu'à la montée, le vent n'en est que plus puissant.

Quinze kilomètres de descente sont annoncés. Si l'effort est moindre qu'à la montée, le vent n'en est que plus puissant. La grêle s'est transformée en neige et s'entasse sur nos lunettes. Même si la visibilité devient presque nulle nous poursuivons, avec en tête le seul objectif d'arriver à l'hypothétique village au bas de la descente. Olivier n'arrive presque plus à freiner à cause de ses mains congelées. Planter la tente serait un enfer vu l'état dans lequel nous sommes. À 17h00 nous arrivons au village. Temple en vue : espoir. Nous entrons dans la cour intérieure de l'un des nombreux bâtiments. Personne en vue mais des portes de chambres. Puis nous remarquons un moine à l'étage. Lorsqu'il comprend que nous sommes à vélo et que nous cherchons un abri pour la nuit, il nous fait signe de monter. Il nous installe dans ses propres appartements, nous sert du thé et branche un chauffage d'appoint. Arrivent trois autres moines, un adulte et deux jeunes garçons. Ces derniers sont mandatés pour aller nous acheter deux bols de soupe de nouilles. Pendant ce temps nous conversons par vidéo conférence avec un ami d'enfance de notre hôte, qui habite Zurich! En fin de repas, le moine propose que nous soupions avec lui. Ce que j'avais pris pour notre repas du soir n'était donc qu'un encas. Avant d'arriver au temple nous avons aperçu un immense moulin à prières. Je demande donc au moine quelle est sa hauteur. Nous apprenons ainsi que nous sommes à côté du plus grand moulin à prières du monde, et qu'il contient un trillion de mantras ! Notre hôte nous propose d'aller visiter le temple. Alors que je m'apprête à sauter dans mes bottes il me retient et me dit "We go tomorrow. Now eat and relax." Nous allons donc ensuite souper. Alors que j'imaginais me retrouver dans une sorte de cafétéria avec les autres moines, nous allons en fait chez la maman de notre bienfaiteur, à quelques pas de là. On nous installe derrière une table et devant la TV. À côté de nous s'installe le moine. Et un peu en retrait s'asseyent les deux garçons. Finalement nous serons les seuls à manger. La maman nous sert tout d'abord un bol de tsampa, puis un bol de nouilles à la viande. Pendant ce temps, les garçons admirent Olivier : ses vêtements, sa barbe et surtout ses biceps, qu'ils mesurent aux leurs. Le repas terminé, nous retournons dans le premier bâtiment, où les deux garçons nous aident à porter nos affaires et amènent, sur ordre du moine, couverture et duvet dans l'une des chambres. Le moine y branche encore le chauffage d'appoint. Les deux garçons, intrigués par ces deux étrangers, se voient priés par leur aîné d'aller se coucher et de nous laisser nous reposer. L'heure du déjeuner est fixée à 8h00. 

 

Nous aurions pu être ce soir dans une tente, dans le vent et sous la neige, dans des sacs de couchage qui parviennent tout juste à nous offrir une température convenable. 

 

Mais nous sommes ici...

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