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Mer, mer, mer... Ou variations sur le thème de l'eau.

09-06-2023 14:23

Aline Guignard

Cap Kayak,

Mer, mer, mer... Ou variations sur le thème de l'eau.

Devant moi, deux gros rochers sortis de nulle part ! Mais ce n'est pas possible ! A la vitesse où je suis propulsée, dans quelques secondes je fais intimement..

Nous avons décidé de ne pas aller jusqu'à Åland. A la lumière de notre quotidien actuel, notre souhait de nous rendre dans cet archipel n'a plus la même vigueur que lorsque nous l'avions formulé. Pesée du pour, du contre, balance décisionnelle. Aujourd'hui, notre motivation étant avant tout de nous rendre sur l'île fino-suédoise à mi-parcours, inutile de persévérer dans une direction uniquement pour ne pas se contredire. Ayant réservé un mois et demi pour l'escapade finlandaise, nous voilà avec du temps supplémentaire à offrir à de nouvelles aventures. Et pourquoi ne pas remonter une rivière ? Celle de Dalälven, près de Gävle, semble intéressante, brochette aquatique composée de deltas, de sections sinueuses de rivière et de lacs. Un couple de locaux rencontrés dans la marina d'Öregrund nous informe que s'y trouvent également des barrages que l'on doit contourner par la terre. Bah, question portage, on a connu pire.

 

La veille de notre départ en rivière, nous bivouaquons sur une magnifique plage de sable clair, située à un kilomètre du delta et séparée de celui-ci par une langue de terre. L'avantage de remonter une rivière, nous disons-nous, est que nous ne sommes plus tributaires des vents, ceux-ci pouvant être très importants à cette saison. Lorsqu'au réveil nous constatons une mer moutonneuse, dans laquelle les vagues prennent plaisir à rouler, encouragées par des hauts-fonds évidents, nous nous disons « Bon, il nous faut juste braver cette eau pour démarrer, contourner la langue de terre puis nous serons au calme. » Toutefois, ce n'est pas la fleur au fusil que nous prenons la mer. Car oui, son agitation ne me laisse pas indifférente. Un sentiment toutefois non proportionnel à la réalité. Car si nous avions pris la mesure des perturbations de l'entier du parcours, nous n'aurions pas levé l'ancre. C'est certain.

img_e5483.jpeg

Bagages prêts et alignés sur la plage, nous nous tenons face à la mer et Olivier prépare la planification des étapes : chargement des kayaks, direction à prendre pour éviter les roches visibles et celles à peine émergées, orientation des premiers coups de pagaie pour éviter les plus gros rouleaux.
 

Nous nous jetons à l'eau, avec ma pointe d'appréhension bien calée sous des « ça va aller, aie confiance, tu es capable, et surtout ne paniques pas ».

 

Premiers rochers traîtres contournés avec succès. C'était pas si dur !

 

Première vague qui s'invite dans l'hiloire. Tant pis, je le sais, je vais être mouillée et en fin de compte ce n'est pas grave.
 

Car il m'est impossible de mettre ma jupe. J'ai déjà eu l'occasion d'occuper mes mains à autre chose que tenir ma pagaie durant une mer agitée, et j'ai fini à l'envers sous mon kayak. On apprend de ses erreurs.
 

Deuxième puis troisième vague, le niveau de ma piscine improvisée augmente. Petite réflexion express auto-rassurante : je pourrais tout à fait peser quelques dizaines de kilos supplémentaires, mon kayak n'en coulerait pas pour autant. Donc aucun souci.
 

Si ce n'est que franchement, avoir les fesses gogeant dans un liquide froid n'est pas des plus agréable. Mais ce n'est pas le sujet du moment.
 

Les vagues sont hautes ! Je les vois se former devant moi, essayant d'anticiper à quel stade de son évolution elle en sera lorsque l'on se rencontrera. Parfois elle retombe sur l'avant de mon kayak, émettant un claquement. Parfois elle me cible moi, en plein coeur. Parfois elle ne fait que passer, me soulevant de sa hauteur, l'avant de mon kayak retombant sur le creux suivant avec tout autant de fracas. Allez, mon kayak est solide, je le sais.
 

Et puis il faut changer d'orientation pour contourner la langue de terre.
 

Les vagues me prennent maintenant par le côté.
 

Puis par l'arrière.
 

Nous avions imaginé qu'une fois la direction de la rivière adoptée, nous serions tranquilles. Ce que nous ne savions pas, c'est qu'en fait, la situation était pire. Des hauts-fonds. Et donc des vagues plus féroces encore.
 

Olivier est loin devant moi, je le vois surfer. Aline, ne le regarde pas. S'il devait avoir un problème, tu ne peux rien faire pour lui et tu vas paniquer, ce qui ne te sera d'aucune utilité.
 

Cette fois ce ne sont pas mes yeux qui évaluent et anticipent les dégâts à chaque formation de vague, mais mon ouïe. Le signalement d'une grosse vague en formation ou en déferlement est vite compris. Plusieurs fois je pars en surf, ma vitesse de déplacement grimpant en flèche. Et là, mon expérience de retournement me guide. Si j'avais alors commis une erreur, c'était celle de me laisser orienter par le mouvement de l'eau parallèlement à la vague qui, continuant sa route, avait joué à pile ou face avec moi, aussi simplement qu'on retourne une crêpe. Donc, ne pas la laisser me déjouer. Corriger son intention, avec fermeté et conviction.

 

Et ça fonctionne. Jusqu'à ce que...

 

-censure-
 

Devant moi, deux gros rochers sortis de nulle part ! Mais ce n'est pas possible ! A la vitesse où je suis propulsée, dans quelques secondes je fais intimement leur connaissance. Je vois alors le film en accéléré : moi allant inévitablement me fracasser contre eux, et c'est la fin. Mais non, il y a encore un espoir, vas-y. Connaissant ma difficulté à faire un choix, hésitant généralement entre aller à droite ou à gauche ? Passer de ce côté ou de ce côté de la bouée ? De celui-ci. Ah non, de celui-là. Finalement non, c'est mieux ici. Aline ! Tu décides. Maintenant. A gauche. Et de toutes mes forces je pagaie en espérant que cela soit suffisant...

 

Et ça passe.

 

Olivier, lui, a atteint la zone de délivrance. Elle est donc là, la fin. Quelques dizaines de mètres nous séparent, mais nous sommes dans deux réalités différentes. Lui dans une eau calme et paisible. Moi dans un enfer déchaîné. Un contraste si éloquent que cela rend presque absurde la difficulté avec laquelle je me démène.

 

Je le rejoins. On débriefe. Les deux traîtres, là, tu les as vus ? Olivier me raconte qu'une vague l'a entraîné dans un surf diabolique, l'emmenant probablement du côté des 16 km/h, et que c'est à ce moment-là, dans cette folle course involontaire, qu'il a aperçu les rochers. Aucune maîtrise de la situation n'est possible. Laisser faire les éléments, et espérer qu'ils ne s'imbriquent pas les uns dans les autres. Car modifier la trajectoire c'est prendre le risque de se retourner. Se retourner, c'est prendre le risque de non pas heurter la pierre avec la fibre de verre mais avec ses propres cellules. Poursuivre tout droit, sans autre choix. C'est à 30 cm des rochers que la vague dessine la trajectoire du Crapaud fou.

 

Nous sommes. Tous les deux heureux qu'il n'y ait pas eu de dégâts. Tous les deux amortis par la retombée d'adrénaline. Tous les deux les muscles brûlants. Tous les deux formulant ce constat : c'était un peu stupide de notre part, quand même.

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Il est 10h00. La journée est encore devant nous. Nous poursuivons notre idée d'aller rejoindre le barrage hydroélectrique à quelque 9 kilomètres en amont, après une petite pause dans une marina pour nous réapprovisionner en eau et adopter des vêtements secs. Un kilomètre et demi avant le barrage, nous commençons à pagayer dans la semoule. Je rame, j'y mets de la force, mais le résultat me laisse perplexe. L'arbre sur la rive ne bouge pas. Ou plutôt, je n'en décolle pas, de lui qui semble me regarder avec pitié et indulgence. Amusement et peut-être interrogation, c'est ce que je décèle dans le regard des pêcheurs, de l'autre côté de la rive. Oui je rame. Oui nous remontons une rivière, oui avec des kayaks de mer chargés comme des boeufs. Oui je sais, normalement c'est dans l'autre sens qu'il faut aller. Mais la marginalité, ça nous connaît. Olivier opte pour la marche. Il sort de son kayak et le tire là où le courant l'empêche de progresser, marchant sur les galets du bord de rive. Je fais de même. Mais étant évidemment en aval, mon terrain est différent. Et je dois traverser une zone où je n'ai pas pied, Olivier l'ayant lui passé dans son kayak. Alors je décide de remonter dans le mien et de pagayer jusqu'à ce que j'aie à nouveau mon fond. Et hop, dans le kayak, un coup de pagaie et... le nez de mon bateau est attiré par le courant, comme le mien le serait par une odeur de pain frais... Et sans rien n'y comprendre je suis emportée, obligée de poursuivre le mouvement imposé par cette force qu'est l'eau. Me voilà donc à vive allure à contre-sens de la direction souhaitée. Mauvais lancé de dé, à pied joint dans la case échelle, n'ayant d'autre choix que de la descendre. Retour à la case départ. Il me faut alors tout miser sur le rapprochement vers le bord, là où l'eau est la plus sage. Après un splendide demi-tour sur route, fait avec douceur et fermeté, je me retrouve dans le bon sens. J'insiste sur le caractère élégant de ma manoeuvre ; il me faut bien cela pour compenser la note amateur de l'ensemble de ma pirouette absurde. Et je recommence. Je pense à la fourmi que j'ai observée l'autre jour. Elle transportait dans ses mandibules une coccinelle morte, d'au moins quatre fois sa taille. Son objectif était de gravir une roche lisse et verticale. Elle s'y est prise à plus de dix reprises pour finalement parvenir à son but. Persévérance. Bref, me voilà à nouveau devant le point critique. J'analyse la situation et ajuste ma tactique, avec succès. Ceci étant fait, il n'en reste pas moins que devant nous, les rapides se dévoilent aussi loin qu'il nous est possible de voir. Olivier part à pied explorer ce qui nous attend au tournant. Les courants sont de plus en plus forts, et ce au moins jusqu'au barrage. Alors on se questionne. Vaut-il la peine de poursuivre ? Pesée du pour, du contre ; le jeu n'en vaut pas la chandelle.
 

Cette fois ce n'est ni le hasard ni une maladresse qui nous fait retourner à la case départ, mais bien une décision raisonnée. Et c'est ainsi que nous parcourons à rebrousse poile l'ensemble de notre itinéraire du jour.

 

A l'exception du dernier tronçon, que nous gardons pour des temps meilleurs, lorsque la mer aura retrouvé son calme, soit le surlendemain. / AG

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