Il paraît que cela arrive même aux meilleurs...
Â
Ce matin, j’attelle mon traîneau puis m’élance dans cette immense étendue blanche qu’est notre terrain d’entraînement. Les températures négatives et les faibles précipitations de cette semaine offrent une qualité de neige propice à notre activité matinale. La vitesse donnée par les chiens, ce matin, est telle qu’elle révèle un magnifique sourire sur mon visage. Quel plaisir ! La motivation des leaders n’a nul besoin d’être animée et je peux me concentrer sur les courbes de la piste pour les attaquer tout en laissant mon tapis de côté. Une sensation de réelle liberté m’envahit, émergeant de cette grandeur que seule la Nature peut révéler. L’air frais du matin me donne la sensation de vivre, de vraiment vivre ! Les kilomètres passent m’offrant cadeau sur cadeau. Une perdrix vêtue de son plumage d’hiver prend son envol à quelques mètres de nous. Le soleil, encore bas à cette heure, guigne entre les sapins faisant scintiller leurs manteaux de neige. La beauté du moment me lance sur les pentes de l’imaginaire, et je me vois déjà traverser des pays entiers avec mes fidèles compagnons. Virage serré, pierre, morceau de glace, arbre, faute de carre… je ne sais plus. L’instant s’est déroulé si rapidement ! Me voilà par terre puis debout à courir derrière un traîneau qui s’éloigne allant se perdre sur cette ligne que l’on nomme horizon. Ce n’est pas ma première chute, loin de là . Mais c’est la première fois que ma main lâche le traîneau, la corde, ce fil d’Ariane qui remplace l’incident par l’accident. J’appelle et me rends compte de l’impuissance de mon action.
Seul, je ne peux que contempler la gravité de la situation. Où vont aller mes chiens ? Des centaines de kilomètres de piste plus ou moins ouvertes s’étendent dans la région. Certains lacs ne sont pas encore totalement gelés et le possible emmêlage de la ligne dans des arbres pourrait asphyxier un chien. Avancer et être attentif aux traces qu’ils ont laissées dans la neige. Je suis à plus de six kilomètres de la maison et la neige cumulée à mon équipement me fait avancer tel un cosmonaute, la gravité terrestre en plus. Un taxi passe par là . Enfin, Aline avec ses quatre chiens. Heureusement que j’ai pour habitude de dire que j’excelle dans la nullité, au moins mon ego est épargné. Le taxi s’arrête. J’embarque et nous reprenons la route. Un véritable rythme de visite touristique. Avec lenteur nous rejoignons le lac; toujours pas de trace de mon attelage. On imagine déjà les étapes à effectuer pour lancer les recherches. Informer nos voisins qui informeront les locaux et peut-être une battue sera lancée ? La maison approche et quel bonheur d’entendre Aline me dire : « Je crois qu’ils sont devant la porte du chenil. » Les huit, contents, heureux de nous voir arriver. Sans scrupule, sans même avoir l’impression d’avoir fauté. Les queues remuent, leurs regards nous interrogent et on les entendrait presque nous dire : « Vous avez vu, comme on a bien couru tout seuls ? »
Article précédent     Retour au blog     Article suivant  Â