Norvège-Suède-Finlande
De Narvik à Pudasjärvi, une grande traversée entre Norvège, Suède et Finlande. Par ces quelques lignes, voici une grande diagonale de ce qu'ont été pour nous ces deux dernières semaines.Â
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Rejoindre la Suède depuis Narvik a été beaucoup plus plaisant que ce que nous avions imaginé en termes de dénivelé et d'effort. Par contre, nous avons bel et bien retrouvé l'hiver, une nouvelle fois encore. Dans une station suédoise non loin de la frontière, un homme nous demande, alors que nous pique-niquons :Â
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- Vous êtes venus ici pour le ski ?
- Non, nous voyageons à vélo.Â
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Dans le contexte qui nous entoure, ceux qui dépareillent, ce ne sont pas les skieurs... La saison de motoneige bat encore son plein, profitant des quantités impressionnantes de neige. Les Norvégiens sont légions en ces terres suédoises où ce loisir est autorisé.Â
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Entre le village-frontière et Kiruna, soit sur environ 130 kilomètres, les terres sont désertiques, humainement parlant, balayées par les vents polaires. La seule présence de civilisation, hormis la route et quelques rares maisons de pêche, est la ligne de chemin de fer reliant la mine de Kiruna à Narvik. Comme deux serpents ondulant en rythme, bitume et traverses nous emmènent aux côtés de ces convois longs d'une trentaine de wagons. Une dizaine de trains quotidiens, lourds de fer dans un sens, vides dans l'autre.
Peu avant Kiruna, un homme nous attend au bord de la route.  C'est Niklas, notre hôte de Östersund. Venu dans la région pour une compétition de freeride, il est sur le chemin du retour. Il s'exclame : « c'est la deuxième fois que je tombe sur vous par hasard ! ». Incroyable coïncidence dans un pays de 447'435 kilomètres carrés.
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Kiruna – Giron – Kiiruna. Depuis les environs de Narvik, la langue sami a rejoint la norvégienne sur les panneaux routiers et informatifs. En Suède, à ces deux langues s’ajoute le finnois. Kiruna, ville au nom si doux, si chantant. Kiruna, ville à l'esthétique moins poétique qu'étrange. Impressionnante peut-être de par son imposante mine de fer en pleine activité. Alors que nous la traversons, la cité débute sa mutation. La mine souterraine a pris une telle ampleur qu'elle met actuellement en danger tout un secteur de la ville. Plutôt que d'adapter l’exploitation minière, et c'est dire si elle est lucrative, ce sont les habitations, monuments et autres infrastructures qui sont déplacés. Certains bâtiments sont démontés méticuleusement pièce par pièce, d’autres sont posés sur d'énormes poutrelles métalliques attendant d’être transportés d’un bloc par les airs. Une mutation aux frais de l'entreprise minière.Â
Chaque personne que nous rencontrons l'affirme : cette année, la météo a trois semaines de retard. Alors que je discute avec une femme à qui j'ai demandé de l'eau, celle-ci m'informe qu'en mai, le thermomètre peut grimper jusqu’à trente. Avec nos degrés à peine positifs, nous nous sentons quelque peu floués… La variation des températures au cours de la « nuit » et de la « journée » est importante. Et elle a ceci de positif qu'elle pallie à la luminosité pour s’orienter dans le temps. C'est en effet la température ressentie lorsque je sors la tête de mon sac de couchage qui m’indiquera s'il est l'heure de se réveiller ou de se rendormir. Le 15 mai, je notais, à l’intérieur de notre habitacle peigné par les rayons de soleil, 1,2 degré à 7h00 puis 12,9 à 8h30. Réalité qui peu à peu se meurt aujourd’hui, alors que le printemps reprend ses droits. Petit à petit ma combinaison de nuit s'allège ; finis bonnet, chaussettes, chaussons et collants en laine.
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Le choix de notre itinéraire se fait quelque peu au jour le jour. Car lorsque nous demandons conseil aux locaux ou aux offices de tourisme, pauvres sont les informations constructives que nous recevons. Importance de l'axe routier, recherche d'un sud prometteur de températures clémentes et feeling sont nos repères pour guider nos derniers kilomètres suédois. Une conjugaison qui nous réussit et qui nous emmène dans une Suède profonde et authentique, à l'image des rencontres que nous y faisons. Un couple de retraités nous fera découvrir une nouvelle approche du sauna. En plus de s'y détendre et de transpirer toutes les toxines de son corps, on y prend sa douche et on s'y lave les cheveux. Cette coutume sera confirmée quelques jours plus tard en Finlande, à l'occasion d'une nouvelle rencontre. Invitations, l’une comme l’autre, où le voyageur est traité en roi.Â
Beaucoup de nos hôtes s'étonnent que nous n'ayons pas de connexion internet avec nous.
Beaucoup de nos hôtes s'étonnent que nous n’ayons pas de connexion internet avec nous. « C'est si simple, nous disent-ils tous unanimement, il existe des cartes valables dans tout le Nord. » Mais tous, à l'unisson, acquiescent lorsque je leur explique les raisons de notre choix. Un choix non pas économique, mais de style de voyage. Pour nous, une connexion à portée de main reste un paravent qui se déplie trop facilement entre nous et la vie qui se déploie sous nos sens. Au-delà de ce désir d’être ancrés dans le concret du quotidien, ne pas avoir de connexion est un catalyseur qui nous contraint à pousser des portes. Si nous n'avions pas eu à rechercher une connexion, nous ne nous serions pas attardés dans cette station- service et n’aurions pas été invités par cet homme. Nous n'aurions pas eu non plus l'occasion de rencontrer cette bibliothécaire de l'école de Svapavaara, ce bouquet de gentillesse.
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Entre Haparanda et Tornio, nous passons une frontière invisible et entrons dans une Finlande déroutante. Familière pour moi, qui y ai vécu quelques mois, de par ces petits riens qui créent une routine confortable lorsque l'on passe suffisamment de temps dans un environnement : une odeur, une saveur, un nom de magasin, un produit, un son, un mot… Mais un pays qui nous surprend de par sa population et qui nous fait prendre conscience à quel point, en Suède tout comme en Norvège, nous avons vu si peu d'enfants et de jeunes. Ici, nous en voyons à foison, dans les supermarchés, devant les centres commerciaux, à califourchon sur leur 50 cm3 pétaradante ou leur bicyclette, dans les cafés. Il faut dire que nous entrons dans ce pays nordique par une côte habitée. Bruit, trafic et population, mais aussi intérêt historique, forcent notre itinéraire : cap sur le rideau de fer.
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