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De Frunze à Bishkek

04-07-2018 15:33

Aline Guignard

Terres sauvages,

De Frunze à Bishkek

Mis en contact via le réseau WWOOFing (réseau mondial de fermes biologiques), nous passons deux semaines chez Hannes et Gulia. Le principe de base est...

Mis en contact via le réseau WWOOFing (réseau mondial de fermes biologiques), nous passons deux semaines chez Hannes et Gulia. Le principe de base est simple : nous participons aux divers travaux de la ferme et sommes nourris -logés en contrepartie.

 

Quinze jours sans avoir à se demander où l'on va dormir le soir, à apprécier la pluie pour la fraîcheur qu'elle apporte sans en subir l'humidité, à constater avec légèreté les rafales de vent sans les craindre…

 

Il y a les routines que l'on acquière et les appréhensions du quotidien que l'on délaisse. Il y a une famille que l'on intègre instantanément et une communauté de « woofers » à découvrir. Il y a tant à apprendre et à échanger.

 

Allemand d'origine, Hannes a trouvé au Kirghizstan la possibilité de vivre au plus près de ses convictions, de ses certitudes et de ses idéaux. Comme aime à plaisanter Gulia, il a probablement plus de projets que d’année de vie. Les woofers contribuent à faire de ces idées des réalisations vivantes. Le couple accorde tout autant d’importance au partage qui naît de ces rencontres, aux échanges d'idées, d’expériences, de savoir faire ; les heures autour de la table ne se comptent plus.

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Les woofers viennent, vivent et repartent. A notre arrivée un couple de Belges francophones est sur le départ. Nous rejoignent ensuite un Belge flamand voyageant à moto, puis deux Israélienne backpackers. Les enfants du couple baignent dans un environnement multiculturel et aux langue étrangères. Lucas, du haut de ses neufs ans, parle déjà russe, kirghize, kazakhe, allemand et débute l'anglais. Markus, sept ans, s'étonne que ses copains ne le comprenne pas lorsqu'il s'exprime dans une totale harmonie linguistique pacifiste où les frontières n'existent plus. Sans qu’il ne s’en rende encore vraiment compte, allemand, russe, kirghize et kazakhe s'assemblent au sein d'une même phrase.

 

Notre chambre est perchée sur deux containers. Là-haut, nous avons une vue imprenable sur le lac Yssyk-Köl et sur l’interminable chaîne des Tian-Shan. Depuis que nous sommes au Kirghizstan nous sommes interpellés par le nombre impressionnant de containers. Tour à tour magasin, salon de coiffure ou lieu de stockage, ces monstres métalliques se retrouvent bien loin de leur destinée initiale. Hannes éclairera ce mystère. Le Kirghizstan étant loi de tous océans,  le rapatriement des containers – à vide - vers leur port d'origine est trop onéreux pour les compagnies de fret. Ces-dernières ont donc avantages à sélectionner les « boîtes » les plus anciennes et à les revendre une fois le contenu délivré. Pour un millier de dollars les locaux acquièrent un bâtiment à l’étanchéité et à la solidité assurée.

Gulia et sa maman, venue en visite, préparent, apprêtent, pétrissent, mijotent, frient et dressent des plats kirghizes.

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Gulia et sa maman, venue en visite, préparent, apprêtent, pétrissent, mijotent, frient et dressent des plats kirghizes. Munie de mon carnet et de l'appareil photo, je régale ma curiosité. La plupart des mets sont cuisinés dans un Kazan, un grand wok en fonte posé au-dessus d'un foyer alimenté au bois. Il y a des aspects de la vie quotidienne que l'on aime découvrir, et puis il y a la réalité que l'on aurait préféré relayer au mythe. Gulia a planché sur son examen théorique pour le permis de conduire des semaines durant. Le soir avant l'examen, je trouve un trèfle à cinq feuilles et le lui offre pour lui donner chance. Une attention perchée sur les sommets de la naïveté. Mon trèfle aurait pu battre tous les records d’anormalités qu'il se serait fait tout autant piétiner par la grosse botte rigide de la corruption. Sur vingt élèves passant l'examen pour la première fois, aucun n'a payé, aucun n'a passé. Sur vingt élèves passant l'examen pour la seconde fois, tous ont payés, tous ont passés. Certes, des efforts semblent être déployés par le gouvernement pour éradiquer cette plaie. Mais force est de constater que le chemin est encore bien long.

 

Celui qui l'est moins est celui qui nous mène de Frunze à la capitale. En trois jours nous parcourons quelques 370 kilomètres, avec dans la foulée un passage de frontière. Informés que le renouvellement du visa kirghize ne pouvait plus se faire aussi facilement qu'avant, nous prévoyons de passer quelques jours au Kazakhstan pour les « économiser » sur notre visa kirghize. Ceci afin d'avoir suffisamment de temps pour sortir du pays après notre semaine de vacances familiales. A notre arrivée à la douane, l'agent nous dit au contraire que nous pouvons faire l’aller-retour sans problème et obtenir un nouveau visa de 60 jours. Il appose donc le tampon de sortie dans notre passeport. Avant de poursuivre, son collègue me tend…un bonbon. Vingt mètres plus loin nous sommes à la douane kazakhe. Tampon d'entrée. A peine sortis du poste, nous faisons demi tour, non sans gêne et avec le sentiment de bafouer une nation. Nous entrons dans le bâtiment opposé ; les agents  valident sans broncher notre sortie du Kazakhstan. Dernier poste, celui de l'entrée au Kirghizstan, qui en effet et heureusement nous offre un nouveau visa de 60 jours. Forts de ce dénouement qui nous évite bien des contraintes, nous décidons de pousser jusqu’à Bishkek, alors qu'il est déjà tard et que notre compteur affiche plus de 140 kilomètres. Finalement nous nous arrêtons à la périphérie, dans un hôtel de bord de route. Les bruits ambiants et l'animation nocturne confirment ce que nous soupçonnons une fois installés : nous avons déniché un hôtel intime où les chambres se louent généralement à l’heure... Le lendemain, nous atteignons le cœur de la capitale, où nous attendons l'arrivée imminente de la famille Guignard.

Le Kirghistan, pays de nomades, est couvert à 94% de regions montagneuses.

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