Bivouac hivernal

Suède

Voyager dans des conditions hivernales et y dresser son campement soir après soir demande rigueur et savoir-faire. Quand la froideur de la nuit côtoie l’instabilité climatique des journées de cette saison qui se glisse entre l'hiver et le printemps, bivouaquer devient du grand art. Chaque tâche s’exécute selon un ordre réfléchit et de manière précise. Le temps (durée) et surtout l’humidité sont les bêtes noires du campeur hivernal. L’humidité est génératrice de fatigue voire de gelures. Un habit humide, un sac de couchage humide ou une tente humide à l'intérieur ne joue plus son rôle isolant. Et lorsque la température nocturne côtoie les moins quinze degrés, le corps ne peut assumer ce froid bien longtemps. Il faut donc anticiper tout problème, agir de manière à rester au sec. L'humidité que le corps dégage durant la nuit ou celle qu'il produit durant l'effort est déjà un « trop » contre lequel il faut lutter. Bien que dormant dans un environnement glacial, nous laissons les « fenêtres » de notre tente ouvertes afin que l'air extérieur, froid et donc sec, emporte cette masse d'air humide que l'on dégage. Établir son campement dans la neige est toute une aventure. Ne possédant pas une tente spécialement faite pour ce type d’environnement, il nous faut trouver des places pas trop gelées, sans quoi nos sardines ne peuvent être plantées, et pas trop molles, pour éviter de se réveiller dans de la soupe. Nos corps dégagent de la chaleur, lors de nuits proches du zéro degré, ils font fondre la neige au sol qui par capillarité transperce les deux couches de toile qui composent le dessous de notre tente. Pour pallier à ce problème, nous glissons une couverture de survie entre les deux couches ce qui réduit drastiquement la problématique. Les habits doivent également être protégés. Si le coupe-vent est sec il peut emballer le reste des habits portés pour les préserver de l’humidité de la nuit. S’il est humide, il est pendu dans l'abside de notre tente en espérant que les vents nocturnes soient suffisamment secs pour le sécher. Les textiles synthétiques ont une petite chance de sécher pendant la nuit, les autres gèlent gardant prisonnière l’humidité dans leurs mailles. 

La gestion de l'eau est un point auquel il faut prêter attention. La quantité d’eau que l'on emporte sur un vélo est limitée. Lors de températures négatives on peut diminuer d’environ vingt pourcents la capacité de portage. Si les gourdes ne rétrécissent pas au froid, il nous faut protéger nos contenants du gel et par conséquent ne pas les remplir complètement. De plus, un glaçon de septante centilitres dans une gourde n'est pas très utile pour s’hydrater. Il faut donc régulièrement chercher des rivières accessibles. La glace recouvrant en partie les cours d'eau, il nous est difficile de trouver des points d'accès sécurisés. Se risquer sur la glace en cette saison pouvant devenir la dernière chose que l'on réalise dans cette vie.

 

Si la glace casse par manque de froid, le plastique cède lorsqu'il fait très froid. Perdant de leur souplesse, les pièces plastiques de notre équipement fendent et se rompent. Il nous faut donc manipuler notre matériel avec prudence et trouver de nouvelles manières pour évoluer avec ces articles défectueux.  Le bivouac hivernal est un apprentissage que l'on fait bien souvent à ses dépens, créant parfois souffrance physique et régulièrement fatigue psychique. Mais il est également porteur de tableaux somptueux, générateur de merveilleux gestes humains et constructeur de soi. Il vaut donc bien le tribu que la nature nous demande.

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