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Prendre le large et défier l’immensité bleue

04-06-2023 11:41

Olivier Forney

Cap Kayak,

Prendre le large et défier l’immensité bleue

Chevaucher l'écume, s'aventurer là où les embruns se lèvent et s'élèvent plus haut que nos visages. C'est l'idée qui nous est venue, il y a de cela...

Chevaucher l'écume, s'aventurer là où les embruns se lèvent et s'élèvent plus haut que nos visages. C'est l'idée qui nous est venue, il y a de cela quelques semaines. Besoin de quitter une routine sécurisante ? Appel de l'aventure ? Envie de nouvelles découvertes ? Peut-être un peu de tout cela, mais surtout beaucoup de ce qui ne peut être expliqué, pour la simple raison que nous-mêmes ne l'avons pas encore compris. C'est donc l'île de Märket qui a retenu notre attention. Un rocher perdu entre la Suède et la Finlande, une pierre flanquée d'un phare construit au XIXème siècle, alors qu'elle était sous domination russe.

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Notre périple ne peut être réalisé d'une seule traite. Il nous faut, au minimum, six jours pour atteindre notre objectif, mais surtout pour en revenir. Et c'est là que le bât blesse. En mer, le vent souffle. Et en ce début de printemps, il n'en est que renforcé. Les fenêtres météo favorables s'ouvrent et se referment comme la bouche d'une carpe. Il nous faut, pour rejoindre nos objectifs, au mieux trois heures par jour avec des vents en dessous de 21 kilomètres par heure. Rapidement nous acceptons le fait qu'une fenêtre qui débute à trois heures du matin est une option. Après une grosse journée de trente et un kilomètres, nous rejoignons un petit groupe de rochers à l'extrême est de l'archipel jouxtant la côte ; les dernières terres suédoises que se disputent un phare, une place militarisée et un grand nombre d'oiseaux marins dont des pingouins Alca torda. Ce sont les derniers de la famille, depuis que leurs grands frères ont été décimés par nos soins au milieu du XIXème ; l’hémisphère Sud ne comptant que des manchots. Le volatil, car oui, ce pingouin vole, est on ne peut moins farouche. Mal habile sur terre, il se distingue en vol et sous l'eau lors de parties de pêche. Nous escaladons un rocher, y faisons monter nos kayaks, cherchons la zone la moins pentue du récif – et suffisamment grande – pour y monter notre tente que nous amarrons à l'aide de lourdes pierres. Nos sardines ne nous étant d'aucune utilité sur cette grande dalle sertie de bleu. Bien avant le soleil, nous nous couchons avec pour objectif de nous lever en même temps que lui. Trois heures du matin, le réveil sonne et c'est avec déception que nous constatons que la météo a évolué défavorablement. Des vents entre 5 et 6 Beaufort sont annoncés et nous décidons alors de rejoindre une île, proche de la côte, comprenant de la forêt, pour nous y abriter.

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Retour en arrière. Le calcul est simple, nous n'avons plus suffisamment d'eau pour reconduire notre « expédition ». Retour à la case départ. Enfin presque, puisqu'à mi-chemin, nous apercevons quatre hommes, des ouvriers, qui ont la gentillesse de nous céder un peu de leur eau. Dans les archipels, rares sont les îles qui sont autonomes en eau potable. Cinq jours plus tard, la météo est à nouveau à notre avantage. Notre application météorologique nous informe de petites fenêtres quotidiennes, de trois à quatre heures, propices à la navigation. Mais elles nous obligent à nous lever aux aurores – terminologie relative vu la latitude – et à ne pas traîner en route. Pour passer de notre rocher aux pingouins au centre de la Baltique, il nous faut franchir un couloir à cargos, large de trois kilomètres (40 min de kayak). Le lieu que nous avons sélectionné pour rejoindre la Finlande est avantageux au niveau des distances de navigation, puisque la largeur de la Baltique y est naturellement réduite. Mais cet avantage est accompagné de quelques anicroches. Un rétrécissement côtier est généralement accompagné de hauts fonds forçant la navigation commerciale à se concentrer dans des couloirs. De plus, la hauteur des vagues y est augmentée et dans ce cas précis, les vents suivent la même tendance.

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Nous quittons donc notre caillou, chargés en eau et en nourriture, cap au large, plein Est en direction d'un grand rien. Ou alors, d'une boule de feu qui émerge gentiment d'une eau agitée de petites vaguelettes. L'astre monte, libérant l'horizon de sa lumière aveuglante. Deux cargos se dessinent à l'horizon, puis là-bas, au loin, un trait vertical, notre phare, celui qui nous indique l'emplacement de ce rocher, notre refuge pour deux nuits. Les cargos vont vite. Et penser qu'ils peuvent nous éviter est une illusion qui s'est échouée dans l'une de nos expériences passées. Une seule certitude. Tant que tu vois ledit bâtiment de la poupe à la proue, tu es en sécurité. Autrement, fais en sorte que cela ne soit pas la proue que tu aies dans ton champ de vision ! A Stockholm, nous avons rencontré une kayakiste qui nous a mis en garde contre ces Léviathans des temps modernes. Elle nous explique que des accidents arrivent parfois. Son explication se termine par un long silence accompagné d'un regard perdu vers l'océan... Il y a trois sortes d'hommes : les vivants, les morts, et ceux qui vont sur la mer, nous dit Aristote. Deux cargos. Notre ange gardien a encore fait du zèle ce matin. Que deux cargos ! Nous patientons au bord du couloir à bateaux – ligne aussi visible que l'est un méridien -, comme le feraient des enfants avant de traverser la route. Puis nous nous lançons. La visibilité est bonne, mais l'horizon est traître et les distances sont ici plus qu’ailleurs trompeuses. Le trait vertical prend forme. A ses côtés, deux petits rectangles se dessinent. Puis de la couleur s'ajoute au tableau. Deux lignes rouges sur fond blanc. La marque du phare. Le rocher que nous nous apprêtons à rejoindre est unique sur bien des points. L'Histoire l'a rendu tantôt Russe, tantôt Suédois, pour finalement lui offrir une identité suédo-finlandaise. Son rang, en tant que deuxième plus petite île au monde avec une frontière internationale, le distingue de ces pierres, perpétuels pièges à bateaux. Sa situation géographique fait de lui l'unique lieu où la frontière suédo-finlandaise est terrestre (hors rivière). Ce caillou gris oranger peut également se targuer d'être la seule place au monde où l'on peut se tenir en Finlande et observer la Suède à l'Est. Cette île est tellement particulière qu'elle a reçu le droit d’émettre ses propres timbres, ainsi que son propre préfixe de pays radioamateur OJ0-land. Et avec cette liste, je vous épargne la complexité de sa situation géopolitique liée à son rattachement à la province d'Åland, province autonome de Finlande, membre à part entière de l'Union européenne. 

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L'histoire de la construction de son phare est elle qualifiable de rocambolesque. C'est à la demande du Tsar Nicolas II que l'édifice a été construit du côté ouest de l'île. Le caillou fait au bas mot, d'ouest en est, trois cent cinquante mètres pour une largeur de huitante mètres. Puis la Finlande regagne son indépendance le 6 décembre 1917. Märket retrouve ainsi son identité binationale d'antan. Sauf que voilà, le phare a été construit par des Finlandais du côté suédois de l'île et est géré par des gardes-côtes finlandais. Problème ! Mais pas trop urgent apparemment. Les Etats se rencontrent soixante-huit ans plus tard, en 1985 et décident de faire un échange de territoire pour résoudre cette situation gênante. Des géomètres se rendent sur place et tracent un splendide zigzag pour que la surface équivalente à la zone de construction du phare soit « rendue » aux Suédois. Une absurdité politique réalisée afin que la Suède retrouve 0,002 kilomètre carré de territoire, alors qu'elle en possédait déjà 528 447. Une bêtise administrative qui a l’avantage de bien faire rire tout le monde sur l'île. Parce que oui, Märket n'est pas inhabitée comme nous l'avions imaginé. Elle y grouille d'une vie de passionnés en tous genres et il y est même possible d'y trouver du travail. Mais ceci est une autre histoire... /OF

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