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De Kashgar à Ken-Zhylga

27-05-2018 20:50

Aline Guignard

Terres sauvages,

De Kashgar à Ken-Zhylga

À la croisée des chemins, cœur d'une étoile flirtant avec le Pakistan, l'Inde, le Tibet, l'Asie centrale ou encore la Chine orientale...

À la croisée des chemins, cœur d'une étoile flirtant avec le Pakistan, l'Inde, le Tibet, l'Asie centrale ou encore la Chine orientale, Kashgar fut l'épicentre des échanges commerciaux et culturels. Et le demeure. Car si les caravanes sur la route de la soie y trouvaient repos et ravitaillement, les voyageurs d'aujourd'hui perpétuent les pratiques d'antan. Ceux qui ont connu l'aridité des déserts, l'exigence des montagnes, la fatigue des longues distances convergent aujourd'hui encore dans cet oasis où les auberges de jeunesse et hôtels ont remplacé les caravansérails. Les voyageurs échangent entre eux expériences, conseils, émotions et opinions. Le décor a changé mais l'essence demeure, et au-delà des apparences évolutives, l'homme semble immuable. 

 

Une charrette tirée par un âne au trot, conduite par un vieil homme au costume défraîchi, traverse la rue. Assis à l'arrière, un garçon d'une dizaine d'années tient entre ses mains un IPad qui accapare toute son attention. Vestige du passé, écran du présent. Ou simplement deux réalités qui se côtoient et ne font qu'une. 

 

À Kashgar, la pluviométrie est de 64 millimètres par année. Pourtant, il y pleut une semaine durant alors que nous y séjournons. Étant arrivés dans cette ville aux portes du Kirghistan plus tôt que prévu, déçus de ne pas avoir profité de l'entièreté de notre visa chinois, nous planifions une excursion de quelques jours en direction du Pakistan, le long de la Karakorum highway. Mais lorsque nous quittons l'auberge, nous sentons que le cœur n'y est pas. Propulsés à nouveau dans la folie policière dont Kashgar nous avait quelque peu préservés, nous nous rendons compte que notre moral reste fragile et vulnérable. Contrôles, interdiction d'emprunter certains itinéraires, embarquement au poste de police, surveillance d'un "collabo de *~#%*~#* zélé" (dixit Olivier) et météo rebelle ont raison de notre persévérance. Nous faisons demi-tour avant d'avoir atteint notre but. L'esprit débordant de remords et de consternation, nous revenons à l'auberge. Quelques jours plus tard, le soleil est de retour, il est temps d'aller de l'avant. De reprendre la route, celle qui nous mène au Kirghistan, celle en qui nous plaçons nos espoirs de changement. Le chemin jusqu'à la frontière est notre dernier face à face avec les autorités. Nous sommes escortés par une voiture de police banalisée sur plusieurs dizaines de kilomètres. Alors que nous pique-niquons à la sortie d'un village, sous les yeux attentifs de notre policier arrêté à proximité, une femme ouïgoure vient s'asseoir à côté de moi. Nous nous saluons, nous nous sourions. Des appels de phares et coups de klaxons tonitruants retentissent instantanément. Le regard foudroyant et le hochement de tête vigoureux de l'agent assujettissent la distance qui nous sépare. Le message est clair, leur crainte est limpide; cet éclat de  réalité me transperce. Le savoir est une chose, mais le vivre... 

 

Après nous être défait de la police d'immigration persuadée de la péremption, de nos visas, après avoir bravé plusieurs check-point, après avoir observé avec abasourdissement un agent étudier avec scepticisme notre carte d'Asie centrale durant quinze minutes, nous arrivons au poste d'immigration. Timing orchestré avec brio malgré un vent contraire atteignant les 65 km/h, nous y sommes juste avant la longue pause de midi. Coupure d'électricité. Revenez cet après-midi. Backpackers slovaque, polonais et hongrois, motards d'Europe de l'Est, voyageurs espagnols, auto-stoppeur australien ou encore camionneurs kirghiz, tous se pressent aux portes d'une frontière qui ne veut s'ouvrir. Alors nous patientons ensemble. Et ensemble nous obtiendrons le tampon d'entrée au Kirghistan quelques dix heures plus tard (voir texte "Topo frontière Chine - Kirghistan / Irkeshtam").

Pouvoir choisir cette liberté, privilège du voyageur qui laisse derrière lui ceux qui peut-être jamais ne la connaîtront.

Prendre des photos sans crainte, aborder les gens sans réserve, envisager chaque coin de nature comme demeure d'une nuit, tracer un itinéraire sans contrainte d'interdiction... Rouler en liberté. Pouvoir choisir cette liberté, privilège du voyageur qui laisse derrière lui ceux qui peut-être jamais ne la connaîtront.

 

Vert. Couleur de l'espoir. Couleur qui m'a tant manqué et qui se trouve maintenant projetée tout autour de moi. Aussi précieuses qu'un collier de malachite nervée de rubis, je choie les collines qui se perdent à l'horizon dans ces montagnes kirghizes. Notre passage laisse une infime trace dans les torrents de gouache que l'auteur de ce chef-d'œuvre déverse sans mesure. 

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La vie s'épanouit autour de nous. Les enfants animent les villages. Nous réalisons à quel point nous ne les avions que peu aperçus en Chine. Ici ils débouchent de partout, accourent pour nous tendre la main ou viennent nous la serrer dès qu'ils en ont l'occasion. Ils jouent, ils discutent, ils se chamaillent, mangent des glaces, aident aux tâches domestiques. Ils travaillent aussi. Dans une petite échoppe de Sari-Tash, c'est un garçon d'une dizaine d'années, à l'allure fière et au ton affirmé, qui me sert. À lui seul il gère le commerce. D'autres s'occupent de mener des troupeaux de plusieurs centaines de bêtes d'une main déjà experte.

 

Voilà deux jours que nous sommes au Kirghistan. Déjà nos sacoches débordent des pains qui nous sont offerts en cadeaux précieux. Et alors que je rédige ce texte, les restes d'un magnifique repas reposent sur une nappe, posée à même le sol, dans la maison d'un couple d'instituteurs. Invités dans la rue pour un thé, l'offre s'est muée en un repas, puis en un gîte pour la nuit...

Dans la langue de Stalin, URSS (union des républiques socialistes et soviétiques) s'écrit CCCP mais se prononce SSSR.

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