Lorsque nos lunes côtoient quotidiennement canapés, chaises de bureau et sièges de train ou de voiture, le temps s'invite dans nos vies, sans tambour ni trompette, pour y grignoter notre oisiveté. Furtivement, il gagne nos poignets, nous menottant à son inflexible réalité, allant bien souvent jusqu'à fréquenter notre intimité, bien au chaud dans nos poches de pantalon. Siècle, année, mois, semaine, jour, heure, minute, seconde... Chronos prend des airs de Janus nous montrant tantôt sa grandeur, tantôt son empressement. Tyrannique, il contrôle nos vies du lever au coucher, puisque la première et la dernière chose que l'on regarde dans une journée bien remplie est son réveil. Il détrône même le sacré saint « Bonne nuit ! » de l'être aimé. De la maison à la gare 7 minutes. De Vevey à Lausanne 22 minutes. Quand as-tu rendez-vous avec Maurice ? Et non pas « où » ou « pourquoi ». Depuis combien de temps êtes-vous mariés ? Et non pas, par exemple, quelle est votre recette du bonheur ? Huit heures et demie de travail par jour stipule le contrat. Mais rien sur le rythme, les relations sociales ou la politique écologique de l'entreprise…
Lorsque nos postérieurs côtoient, non sans douleur, le siège de nos kayaks, le temps passe la main. Non pas que l'on en ait pléthore ou que par une philosophie excentrique nous lui faisons un pied de nez ; mais pour des raisons pratiques, il nous est devenu caduque. Le temps est approximatif et incertain ! Notre réalité est celle de la faiblesse, de ceux qui font en fonction, qui s'adaptent aux possibles. Dans nos voyages et d'autant plus dans celui-ci, rien n'est moins sûr que l'agenda, un jour de ravitaillement, une heure d'arrivée au lieu de bivouac. C'est le bulletin météo qui nous renseigne et non la montre. 25 kilomètres restent 25 kilomètres quelle que soit la force du vent. Mais 25 kilomètres peuvent prendre trois heures et demie comme deux jours. Alors oui, sans en prendre réellement conscience dans un premier temps, nous avons remplacé le temps par la distance. Et aujourd'hui, nous faisons la pause chocolat à 7 km, plantons la tente entre 15 et 25 km - en fonction du vent – et pouvons déjà vous dire que nous aurons 560 km de navigation en Norvège. Mais à quelle date nous arriverons... promis, on vous le dira quand on y sera ! / OF
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