Suisse
Aux portes de la Suisse, nous nous questionnons. Comment vivre cette fin d’Europe alors que nous réalisons que le voyage à vélo tel que nous le pratiquons n’est peut-être pas la meilleure manière de la découvrir ? Comment profiter de ses paysages indéniablement magnifiques alors que le parfum d’exotisme est devenu inodore ? Inévitablement, le chemin réflexif nous mène à la question pour nous existentielle : que recherchons-nous au-travers de cette vie de nomade à vélo ? Quels sont les besoins actuels, épurés de ceux d’autrefois ? Ces interrogations, nées sournoisement en Autriche déjà , nous poussent à retrouver la neutralité spirituelle de la maison pour y trouver des réponses. Mais heureusement, durant les derniers jours de voyage, le chemin des cols et les efforts exigés feront diversion auprès de nos esprits malmenés.
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Empruntant une piste cyclable forestière, nous entrons en terre helvétique ; un unique panneau métallique tient lieu de poste-frontière. Val Müstair, col de l’Ofen, Engadine, col de l’Albula… On monte, on descend, on monte, on descend, de plus en plus facilement. Ce qui est moins aisé, par contre, c’est de camper librement. Aussi bienvenus que des mauvaises herbes, les panneaux d’interdiction au campingsauvage partout ont fleuri. Le prix des campings officiels s’affiche comme une extravagance dans notre budget. Pourtant, nous nous y résolvons lorsque les autres options deviennent caduques.
La fin du voyage se présente finalement comme un cadeau.
Au rythme des passages du flamboyant Bernina Express, serpentant entre rochers, forêts et viaducs vertigineux, nous cheminons vers la vallée du Rhin antérieur. Oberalppass, col de la Furka, vallée de Conche (voir texte "Extrait du carnet de voyage - 23.08.17"). La fin du voyage se présente finalement comme un cadeau. Vers Brig, Estelle, Marc et leurs deux enfants nous reçoivent chez eux comme de vieux amis, alors que nous faisons tout juste connaissance. Le jour suivant, le point de chute nous est familier et nous ne pouvions rêver mieux pour célébrer cette ultime étape. Pourtant, il s’en est fallu de peu pour que nous ne loupions la maison de la famille Byland, emballés dans une conversation burinée par un mélange de fatigue et d’excitation. Nous arrivons en début d’après-midi, plus tôt que prévu. La notion du temps étant encore un concept quelque peu flou pour Alix, celle-ci, du haut de ses trois ans, nous ouvre la porte et proclame un enthousiaste « C’est l’heure de l’apéro ! » Autant dire que l’art de l’hospitalité est un savoir qui se transmet de génération en génération au sein de la famille. Se retrouver dans un environnement connu permet une transition douce de notre vie de voyage à un quotidien plus « traditionnel ». Néanmoins, la rencontre de ces deux univers suscite en nous un sentiment étrange. Seul le fait que nous devions rentrer de Granges à Vevey à vélo nous rappelle que nous sommes encore en voyage. Les derniers kilomètres avant le lac Léman nous paraissent être sans mesure. Mais dès que nous y parvenons, les effluves des rives, les paysages plus que familiers, l’itinéraire que l’on connaît par cœur nous le confirment : nous sommes de retour.
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De retour. C’est une chose. Et ensuite ? Chine. Himalayas. Asie centrale. Pamirs. Ces régions résonnent encore en nous. Alors oui, le voyage à vélo continue. Ou continuera. Car pour l’heure, nous nous établissons à Vevey, le temps d’un automne, le temps d’un hiver. Sur un agenda qui petit à petit retrouve un rythme helvétique, une date, puis plus rien. Mi-février 2018.
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