Estonie
Cinquante kilomètres ; une distance qui, lorsque le commerce empruntait les chemins pavés, s'appelait une étape voire même un voyage. Le rythme était celui du pas, ou pour les plus fortunés, celui du sabot. Le monde avait la lenteur pour mesure et il se construisait à cette échelle. L'auberge était le refuge des voyageurs en Occident, le caravansérail celui de ceux de l’Orient. Le temps a passé. Il s’est écoulé comme les grains d'un immense sablier, recouvrant l’Histoire d'une fine couche de poussière qui s'épaissit à chaque innovation de l’Homme : chemin de fer, camion, bateau... Le plus grand axe commercial du monde est aujourd’hui recyclé, vendu à des touristes en soif d'aventure. Ces grandes villes qui hier brillaient de mille feux, prospérant le long des voies commerciales, ne sont aujourd’hui plus que de vulgaires points sur la carte. Mal situées, elles ne sont plus ces oasis sur les routes des épices. Le paquebot sillonne les mers, laissant l'escale aux seuls bateaux de plaisance. Tout comme l’avion, il relie son lieu de chargement à celui de déchargement sans escale. L’étape est morte asphyxiée par les gaz d’échappement, les odeurs de diesel. Le monde s'est redessiné déplaçant ses pôles plus grands et plus éloignés, laissant un espace qui dépérit rapidement, mourant dans l’indifférence la plus totale. Cet espace, nous le côtoyons avec nos vélos. Rarement invités à prendre les autoroutes, nous empruntons les grandes routes d'hier. Là , sommeillent les restaurants de l'avant progrès, aujourd’hui cryptes de la désolation. Le long de ces oubliées décrépissent petites stations services, bistrots , garages, motels et hôtels qui n'ont plus de rôle dans ce monde de vitesse.  Aujourd’hui ils sont devenus les tombeaux de cet ancien monde d’étapes.
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